Rectocolite hémorragique : et si c’était le sulfure d’hydrogène ?

  • Nov 22, 2025

Rectocolite hémorragique : et si c’était le sulfure d’hydrogène ?

Rectocolite hémorragique : le sulfure d’hydrogène joue-t-il un rôle central ? Analyse du régime 4-SURE et des preuves scientifiques récentes.

La rectocolite hémorragique (RCH) est traditionnellement décrite comme une maladie inflammatoire du côlon liée à une réponse immunitaire anormale et une altération de la barrière intestinale. Pourtant, un élément longtemps sous-estimé apparaît de plus en plus central : le sulfure d’hydrogène (H₂S), un gaz produit dans le côlon par certaines bactéries lors de la fermentation des protéines et des acides aminés soufrés.

Une étude de 2025 publiée dans Inflammatory Bowel Diseases apporte une démonstration fonctionnelle inédite : en modifiant la fermentation microbienne, on peut réduire la production de H₂S, modifier le métabolisme bactérien et potentiellement améliorer la physiopathologie de la maladie.


1. Pourquoi le sulfure d’hydrogène intéresse autant les chercheurs ?

1.1 Un métabolite double-face

À faible dose, le H₂S joue un rôle physiologique bénéfique :

  • soutien de la motricité colique

  • action cytoprotectrice

  • modulation locale de l’inflammation

Mais à forte concentration, il devient toxique pour les colonocytes :

  • inhibition de l’oxydation des acides gras

  • stress nitrosatif

  • altération de la barrière épithéliale

  • effet pro-inflammatoire persistant

Les patients atteints de RCH présentent souvent :

  • une augmentation des bactéries productrices de H₂S

  • une réduction des bactéries fermentant les fibres

  • un microbiote plus pro-protéolytique que saccharolytique

Ces caractéristiques sont clairement rappelées dans l’étude.


2. Le régime 4-SURE : une approche nutritionnelle centrée sur le H₂S

Le régime 4-SURE (4 Strategies to Sulfide Reduction) est une approche alimentaire ciblée, pensée pour les personnes atteintes de Rectocolite hémorragique, visant à limiter la production intraluminale de Hydrogen sulfide (H₂S) en modifiant la fermentation colique.

Ce que c’est et comment il fonctionne

Le principe est basé sur l’hypothèse qu’un excès de H₂S dans le côlon distal contribue à l’inflammation et à la perturbation de la barrière intestinale.

Le régime 4-SURE articule donc quatre grands axes :

  • la réduction modérée des protéines totales, et en particulier des protéines riches en acides aminés soufrés (méthionine, cystéine), car ces substrats favorisent la production bactérienne de H₂S.

  • l’augmentation des fibres fermentescibles ou amidon résistant, afin de favoriser une fermentation via les glucides plutôt que les protéines, générant des acides gras à chaîne courte bénéfiques.

  • la limitation des additifs alimentaires riches en soufre ou qui perturbent le microbiote (sulfites, sulfates, nitrates, émulsifiants comme la carraghénane).

  • L’orientation vers des aliments sources de fibres plus « douces » pour l’intestin, et un déplacement de la fermentation vers un profil plus saccharolytique et moins protéolytique.

Ce qu’on mange / ce qu’on évite

À privilégier :

  • Légumes, légumineuses, céréales complètes, tubercules (par exemple pomme de terre ou riz refroidis puis réchauffés pour augmenter l’amidon résistant)

  • Fruits modérés et tolérés

  • Protéines maigres végétales ou animales en quantité contrôlée

  • Aliments peu transformés, sans additifs sulfureux

À limiter ou éviter :

  • Viandes rouges, charcuteries, fromages affinés ou en excès, œufs en grande quantité (tous riches en acides aminés soufrés)

  • Aliments ultra-transformés, snacks industriels, boissons avec sulfites/sulfates

  • Additifs comme nitrates/nitrites, carraghénane, émulsifiants perturbateurs du microbiote.

Durée et modalités

Selon les études, le protocole initial du 4-SURE s’étend sur 8 semaines, avec un suivi et un accompagnement diététique de l’adhérence. L’idée est d’observer une période de « réorganisation » microbiote/métabolisme avant de passer éventuellement à une phase d’entretien ou d’adaptation selon tolérance et résultats.

En résumé

Le régime 4-SURE s’apparente à une stratégie nutritionnelle de fond visant à modifier la fermentation colique de manière ciblée, réduire un métabolite potentiellement toxique (H₂S) et améliorer l’environnement intestinal. Il ne s’agit pas d’un simple « régime faible en résidus » ou « pauvre en FODMAP », mais d’un modèle structuré autour de la modulation du soufre et des protéines.


3. Ce que la science montre : le sulfure d’hydrogène baisse réellement

3.1 Réduction du H₂S dans les selles

Ex vivo, la production de sulfure d’hydrogène chute de 45% après 8 semaines de régime 4-SURE (2.61 → 1.41 µmol/g).

Ce résultat est rare : très peu d’études ont réussi à démontrer une diminution mesurable de H₂S chez l’humain.

3.2 Baisse des bactéries productrices de H₂S

Diminution significative de :

  • Odoribacter

  • Peptostreptococcaceae

Ces deux groupes sont connus pour leur capacité élevée à dégrader la cystéine en H₂S.

3.3 Modification des gènes du métabolisme du soufre

12 gènes du métabolisme sulfuré changent de façon significative, dont :

  • baisse d’aspB (lié à la fermentation protéique)

  • augmentation d’iscS (implication dans la gestion bactérienne du soufre)

Ces changements sont une preuve directe que le métabolisme microbien réagit à l’alimentation.

3.4 Indole en baisse

L’indole, marqueur métabolique de la fermentation protéique, chute également (p=0.007).

Autrement dit, on bascule d’un modèle pro-protéolytique vers un modèle saccharolytique, beaucoup mieux toléré par la muqueuse colique.


4. Pourquoi ce mécanisme est cohérent avec la RCH ?

4.1 Le cercle vicieux identifié dans la RCH

La physiopathologie contemporaine de la RCH implique :

  • un microbiote moins diversifié

  • un excès de fermentation protéique

  • des niveaux trop élevés de H₂S

  • une difficulté des colonocytes à neutraliser ce H₂S

  • une inflammation épithéliale chronique

L’étude montre que la diète 4-SURE brise ce cycle, au moins en partie.

4.2 Ce que cela signifie pour les patients

Une réduction du H₂S peut :

  • améliorer la fonction épithéliale

  • réduire le stress métabolique

  • stabiliser la barrière intestinale

  • diminuer l’inflammation locale

Pour la première fois, une étude fournit une preuve mécanistique complète, du microbiote aux métabolites.


5. Quels résultats cliniques observés ?

Même si l’étude n’était pas conçue pour évaluer l’efficacité clinique, elle montre :

  • 46% de réponse clinique

  • 36% d’amélioration endoscopique

  • 29% d’amélioration globale selon le score de Mayo

Les auteurs insistent cependant : la réussite repose sur une haute adhérence, supervisée par un diététicien.


6. Ce qu’il faut retenir

  • Le sulfure d’hydrogène est un acteur central de la physiopathologie de la RCH.

  • Réduire l’apport protéique, les acides aminés soufrés et augmenter les fibres résistantes modifie profondément le métabolisme microbien.

  • Le régime 4-SURE démontre, pour la première fois, une réduction mesurable de H₂S chez l’adulte atteint de RCH.

  • Cette approche nutritionnelle ouvre la voie à de futurs protocoles mécanistiques en gastroentérologie.


FAQ : rectocolite et sulfure d'hydrogène

Le H₂S est-il toujours mauvais pour le côlon ?

Non. À faible concentration il est protecteur, mais un excès devient toxique et pro-inflammatoire.

Pourquoi les protéines aggravent-elles la production de H₂S ?

Parce qu’elles contiennent des acides aminés soufrés qui, fermentés par certaines bactéries, produisent du H₂S.

Le régime 4-SURE ressemble-t-il au FODMAP ?

Non. Il cible la fermentation protéique, pas les glucides fermentescibles.

Ce régime peut-il remplacer un traitement de la RCH ?

Non. Il s’agit d’une approche complémentaire, à intégrer à une stratégie médicale supervisée.

Joris Naturopathe

À propos de l'auteur

Je suis Joris Vanlerberghe, naturopathe spécialisé dans les troubles digestifs et Auteur.

J’accompagne les personnes qui souffrent de troubles fonctionnels intestinaux comme le syndrome de l’intestin irritable (colopathie fonctionnelle), SIBO, IMO, dyspepsie ainsi que les personnes qui souffrent de maladies
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