- Jun 30, 2025
Effet de l’activité physique sur le syndrome de l’intestin irritable : et si tout se jouait dans le microbiote ?
- Joris Vanlerberghe
- Intestin irritable
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Chaque jour, des millions de personnes vivent avec une douleur invisible. Une gêne persistante au ventre. Des crampes, des ballonnements, de la fatigue. Le diagnostic tombe souvent après des années d’errance : syndrome de l’intestin irritable (SII).
Et pourtant, un remède, discret mais puissant, est sous nos yeux. Accessible, sans effets secondaires, et trop souvent sous-estimé : l’activité physique régulière.
Mais comment le simple fait de bouger peut-il apaiser des douleurs viscérales ?
Une équipe de chercheurs s’est penchée sur cette énigme et pose une hypothèse audacieuse :
Et si l’exercice physique soulageait le SII en modifiant notre microbiote intestinal ?
Un lien inattendu entre le mouvement et les intestins
On connaît les bienfaits de l’exercice sur le cœur, le cerveau, le moral. Mais l’intestin ? C’est une toute autre histoire.
Depuis plusieurs années, des recommandations officielles, comme celles de l’AGA (American Gastroenterological Association), encouragent l’activité physique comme traitement non médicamenteux du SII. Pourquoi ? Parce que les études cliniques sont sans appel : marcher, faire du vélo ou du yoga améliore nettement les symptômes.
Dans les essais cliniques analysés, les patients une réduction des symptômes : l’activité physique régulière a permis une baisse de 15 à 66 % de la sévérité des symptômes liés au SII, avec une amélioration de la qualité de vie allant jusqu’à 41 % chez les personnes concernées .
Types d’exercices étudiés :
Marche rapide, yoga, vélo stationnaire, tai-chi…
Durée : de 20 à 60 minutes, 3 à 5 fois par semaine.
Mais ce que les chercheurs veulent comprendre ici, c’est pourquoi cela fonctionne. Quelle est la mécanique biologique derrière cet apaisement ? Et surtout, pourrait-elle impliquer notre écosystème microbien intestinal ?
Le microbiote, cet acteur clé oublié du sport
Le microbiote intestinal est désormais une star de la recherche médicale. Cette communauté de milliards de bactéries, virus, levures et archées façonne notre digestion, notre immunité et même notre humeur.
Chez les personnes atteintes de SII, on observe souvent une dysbiose : une altération de la diversité bactérienne et une explosion des espèces pro-inflammatoires.
Mais voilà un fait peu connu : le sport modifie aussi le microbiote.
Chez les sujets en bonne santé, plusieurs études ont révélé que l’activité physique :
Augmente la diversité bactérienne
Enrichit les espèces productrices d’acides gras à chaîne courte (comme le butyrate) par exemple Roseburia et Faecalibacterium.
Diminue les bactéries pathogènes,
Et améliore la perméabilité intestinale (sauf si l'activité est pratiquée en excès, auquel cas elle accroit la perméabilité)
Diminue l'inflammation intestinale
Allongement de la période sans symptômes
Autrement dit, bouger change notre flore intestinale. Et cette flore, elle-même, est liée aux symptômes du SII. L’équation devient claire.
Une hypothèse solide mais encore inexplorée
Dans leur revue, les auteurs rassemblent toutes les pièces du puzzle. D’un côté, l’exercice physique améliore les symptômes du SII. De l’autre, le microbiote est modulé par l’activité physique. Ils posent alors cette hypothèse fondatrice :
Les effets bénéfiques de l’exercice sur le SII pourraient être médiés en partie par une modulation du microbiote intestinal, notamment :
Une amélioration de l’inflammation de bas grade,
Une réduction de la perméabilité intestinale,
Un impact positif sur l’axe intestin-cerveau via les métabolites microbiens (SCFA, GABA, sérotonine).
Ce qu’il manque aujourd’hui : les preuves cliniques directes
Aussi séduisante soit-elle, cette hypothèse reste à démontrer rigoureusement.
La revue identifie plusieurs limites :
Très peu d’essais combinent mesure du microbiote et suivi des symptômes digestifs.
Les études sont souvent hétérogènes (type d’exercice, durée, fréquence).
Aucun consensus n’existe sur la dose d’exercice optimale pour le SII.
Il faudra donc des essais randomisés contrôlés ciblés, avec des mesures avant/après sur la composition du microbiote, les métabolites (comme le butyrate), la perméabilité intestinale, et bien sûr les symptômes.
Autre point important : l’exercice ne se vit pas de la même façon selon le sexe, l’état de santé, le sous-type de SII (diarrhée, constipation, mixte). Les futurs protocoles devront s’adapter à chaque profil.
Une médecine de demain : accessible, naturelle et personnalisée
En attendant, ce que révèle cette étude, c’est que le corps humain est un tout. Et si nous apprenions à traiter le SII non pas en bloquant les symptômes, mais en rééquilibrant le système avec le mouvement, la respiration, et pourquoi pas, le plaisir de marcher.
L’exercice physique pourrait devenir une vraie stratégie thérapeutique, personnalisée, fondée sur des mécanismes biologiques profonds et observables : inflammation, perméabilité, composition du microbiote, métabolisme bactérien…
Référence :
Nobee, S. N., Foster, J. A., & Whelan, K. (2024). Could the therapeutic effect of physical activity on irritable bowel syndrome be mediated through changes to the gut microbiome? Neurogastroenterology & Motility, e70004.
À propos de l'auteur
Je suis Joris Vanlerberghe, naturopathe spécialisé dans les troubles digestifs et Auteur.
J’accompagne les personnes qui souffrent de troubles fonctionnels intestinaux comme le syndrome de l’intestin irritable (colopathie fonctionnelle), SIBO, IMO, dyspepsie ainsi que les personnes qui souffrent de maladies
inflammatoires chroniques intestinales : maladie de Crohn ou rectocolite hémorragique