- Nov 1, 2025
Colon irritable et sport : bonne ou mauvaise idée ?
- Joris Vanlerberghe
- Intestin irritable
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Le sport est-il un allié ou un déclencheur de symptômes dans le syndrome de l’intestin irritable (SII) ? Beaucoup de patients constatent une digestion plus fluide en bougeant davantage, alors que d'autres rapportent diarrhée, crampes, gaz et urgences intestinales après l'effort.
Cet article s’appuie sur l’essai contrôlé randomisé Physical Activity Improves Symptoms in Irritable Bowel Syndrome, publié dans l’American Journal of Gastroenterology, incluant 102 patients atteints de SII. L’étude a évalué pour la première fois l’impact d’une augmentation modérée de l’activité physique sur les symptômes du SII.
Sport et colon irritable : que dit l'étude ?
Dans cette étude, les participants ont été randomisés en deux groupes :
Un groupe “activité physique” recevant des recommandations pour augmenter leur activité physique.
Un groupe contrôle maintenant son mode de vie habituel.
Après 12 semaines :
43% des patients du groupe "activité physique" ont eu une amélioration clinique importante contre seulement 26% pour le groupe contrôle. (+65% de chances d'amélioration avec l’activité physique)
8 % des patients du groupe activité physique ont vu leurs symptômes s'aggraver
23 % des patients du groupe contrôle (aucune augmentation d'activité) ont vu leurs symptômes s'aggraver
Donc, 3x plus de patients se sont détériorés dans le groupe qui n’a pas augmenté son activité. L’activité physique est associée à une réduction relative de 65% du risque d’aggravation (23% → 8%).
Effets positifs sur la qualité de vie physique, le sommeil et l’énergie
Augmentation de la capacité d’oxygénation dans le groupe actif
Conclusion des auteurs :
L’activité physique peut être utilisée comme traitement de première intention dans le SII.
Pourquoi l’activité physique aide le côlon irritable ?
L’étude ne visait pas à analyser les mécanismes en détail, mais ses résultats sont cohérents avec les connaissances actuelles sur le lien entre activité physique et SII, telles qu'évoquées par les auteurs. L’exercice pourrait contribuer à améliorer les symptômes par plusieurs voies :
Modulation de l’axe cerveau–intestin
L’étude rappelle l’influence du stress et du système nerveux central dans le SII. L’activité physique est associée à une meilleure régulation du stress, ce qui peut contribuer à réduire l’hyperréactivité digestive.
Amélioration de la motilité intestinale
Les auteurs indiquent que l’exercice peut favoriser la motilité gastro-intestinale, ce qui est particulièrement pertinent dans les formes SII-C (constipation prédominante).
Réduction de la distension abdominale et meilleure évacuation des gaz
L’activité physique peut faciliter l’élimination des gaz et réduire la sensation de ballonnement, un symptôme fréquent et gênant dans le SII.
Microbiote intestinal
Ceci ne figure pas spécifiquement dans l'article mais nous savons, par des données récentes, que l'activité physique pourrait bien modifier positivement le microbiote intestinal, souvent détérioré chez les malades de côlon irritable.
Augmente la diversité microbienne, un marqueur de santé intestinale
Favorise les bactéries productrices de butyrate (SCFA), bénéfique pour la muqueuse et la motilité intestinale
Améliore l’intégrité de la barrière intestinale
Réduit les métabolites liés à la fermentation excessive et aux gaz
Amélioration de la condition cardiorespiratoire
Dans l’étude, seuls les participants du groupe activité ont montré une augmentation de la capacité d’oxygénation (VO₂), suggérant un bénéfice physiologique global associé à l'amélioration des symptômes.
Dans cet essai, même une activité douce à modérée, principalement la marche, a suffi à améliorer les symptômes, ce qui en fait une approche simple, accessible et applicable au quotidien pour les personnes atteintes de SII.
Pourquoi le sport peut provoquer des symptômes digestifs accrus chez certains ?
Bien que l’essai clinique montre que l'activité physique modérée améliore les symptômes du syndrome de l’intestin irritable, il existe des situations où l’exercice peut les aggraver. Dans la littérature citée par l’étude, certains sportifs présentent parfois des crampes abdominales, diarrhée, flatulences et nausées.
Ce phénomène est attribué à plusieurs mécanismes physiologiques connus :
Diminution du flux sanguin vers le tube digestif (ischémie splanchnique) au profit des muscles, pouvant perturber la digestion et la motilité.
Augmentation de la motricité intestinale lors d’efforts prolongés, ce qui peut accentuer la diarrhée chez les sujets sensibles.
Microtraumatismes intestinaux et stress physiologique, susceptibles d’influencer la perméabilité intestinale et les sensations digestives.
Accélération du transit combinée à des secousses mécaniques (course à pied), pouvant déclencher urgences intestinales et gaz.
Stimulation du système nerveux autonome et du stress interne, ce qui peut amplifier l’hyperréactivité intestinale typique du SII.
Ainsi, même si l’étude se concentre sur une activité douce à modérée, ces données expliquent pourquoi l’exercice intense ou prolongé n’est pas toujours adapté aux patient(e)s souffrant de SII.
L'objectif n'est pas d’éviter le sport, mais de privilégier une intensité progressive et contrôlée, avec une attention particulière à l’hydratation, au stress, et aux sensations digestives.
Activités les plus souvent pratiquées
Dans l’étude, les patient(e)s du groupe “activité physique” tenaient un journal d’entraînement permettant d’identifier les activités réellement réalisées.
Les auteurs précisent que les 5 activités les plus fréquentes étaient :
Marche
Vélo
Natation
Running / jogging
Marche nordique
“Les cinq activités les plus couramment pratiquées, telles que rapportées dans les journaux d’entraînement, étaient la marche, le vélo, la natation, la course/jogging et la marche nordique..”
Ils ajoutent également que :
La marche était l’activité la plus pratiquée
Le jogging était plus rare et souvent utilisé en complément d’autres activités plus douces
Le programme était libre, l’objectif étant d’augmenter l’activité de façon réaliste et maintenable
"...la marche était, dans la plupart des cas, utilisée en complément d’autres activités physiques.”
En résumé :
Marche = activité dominante
Activités d’endurance ajoutées en petites doses
Programme adapté individuellement et soutenu par le physiothérapeute
Fréquence, durée, intensité
Bien que les recommandations officielles citées dans l’étude incluent une activité modérée à vigoureuse, les participants ont majoritairement pratiqué la marche, suggérant qu’une intensité faible à modérée suffit à obtenir des bénéfices cliniques.
Conseils pratiques :
Progression par étape
Suivi éducatif et soutien téléphonique si besoin
Utilisation d’un journal d’activité
Recommandations selon le type de SII
SII-C (constipation prédominante)
Objectif : stimuler la motilité colique, réduire distension et gaz
Conseils :
Hydratation régulière
Mouvements d'extension, torsions douces
Eviter inactivité prolongée
SII-D (diarrhée prédominante)
Objectif : calmer l'intestin et le système nerveux autonome
À éviter :
HIIT / sprint
Exercices intenses
Course longue
Efforts à jeun + café
Chez les personnes souffrant de SII-D, les exercices intenses, prolongés ou réalisés à jeun notamment combinés au café peuvent amplifier la motilité intestinale et augmenter le risque de diarrhée, d’urgence défécatoire ou de crampes digestives. Attention, l'intensité dépend aussi de votre capacité, il est important d'adapter chaque situation.
Pourquoi différencier l'activité physique selon le type de colon irritable ?
Théorie intégrative :
Activer le côlon lent. Apaiser le côlon rapide. Attention ceci se base sur la physiologie et des retours de malades mais ce n'est pas universel.
Conclusion
L’activité physique améliore significativement le SII
La marche est la stratégie la plus simple et la plus efficace
Intensité modérée = résultats maximaux
Adapter selon sous-type SII optimises les effets
Chez certains, l'activité physique peut aggraver les troubles digestifs, il conviendra donc d'y aller en douceur.
L’activité physique = thérapie de première intention.
Références
Johannesson E, Simrén M, Strid H, Bajor A, Sadik R. Physical activity improves symptoms in irritable bowel syndrome: a randomized controlled trial. Am J Gastroenterol. 2011 May;106(5):915-22. doi: 10.1038/ajg.2010.480. Epub 2011 Jan 4. PMID: 21206488.
À propos de l'auteur
Je suis Joris Vanlerberghe, naturopathe spécialisé dans les troubles digestifs et Auteur.
J’accompagne les personnes qui souffrent de troubles fonctionnels intestinaux comme le syndrome de l’intestin irritable (colopathie fonctionnelle), SIBO, IMO, dyspepsie ainsi que les personnes qui souffrent de maladies
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