- Nov 3, 2025
Colon irritable : alimentation des malades
- Joris Vanlerberghe
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Le colon irritable, ou syndrome de l’intestin irritable (SII), est l’un des troubles digestifs chroniques les plus fréquents au monde, touchant environ 4,1 % de la population adulte selon les critères de Rome IV. Caractérisé par des douleurs abdominales récurrentes, des troubles du transit (constipation, diarrhée ou alternance), des ballonnements et une distension abdominale, il affecte fortement la qualité de vie.
Parmi les déclencheurs de symptômes, l’alimentation occupe une place centrale. Plus d’un patient sur deux rapporte une aggravation après un repas. Cette perception influence fortement leurs choix alimentaires : beaucoup modifient spontanément leur régime pour limiter les crises. Mais ces adaptations sont parfois trop restrictives et mènent à une alimentation déséquilibrée.
Une étude publiée en 2025 dans l’American Journal of Gastroenterology apporte des réponses inédites. Elle a comparé les habitudes alimentaires de 646 patients atteints de colon irritable à celles de 646 sujets témoins. Les résultats permettent de mieux comprendre le lien entre alimentation, qualité nutritionnelle et sévérité des symptômes.
Colon irritable : symptômes et rôle des aliments
Le colon irritable se manifeste par une combinaison de :
douleurs abdominales récurrentes (au moins 1 jour/semaine),
troubles du transit (diarrhée, constipation ou alternance),
ballonnements, flatulences, inconfort digestif,
anxiété digestive et fatigue chronique.
L’étude rappelle que plus de 50 % des patients attribuent leurs crises à l’alimentation. Parmi les aliments le plus souvent incriminés :
le café,
les produits laitiers riches en lactose,
les céréales contenant du gluten (blé, seigle, orge),
certains fruits riches en FODMAP (pommes, poires, pastèque, prunes),
les plats gras ou préparés.
Ces observations confirment le rôle majeur des FODMAP (fermentable oligosaccharides, disaccharides, monosaccharides, polyols). Leur fermentation dans l’intestin grêle et le côlon produit des gaz et attire l’eau, accentuant douleurs et ballonnements.
Étude 2025 : méthodologie et échantillon
Cette étude a regroupé 646 patients IBS issus de quatre cohortes cliniques (2010–2022), comparés à 646 témoins issus de l’enquête nationale suédoise Riksmaten.
Caractéristiques des patients :
Âge moyen : 38 ans (± 14).
77 % de femmes.
IMC moyen : 24,3 (similaire aux témoins : 24,7).
Durée médiane du SII : 12 ans.
Sous-types : SII-C (constipation prédominante) 34 %,SII-D (diarrhée) 30 %, SII-M (mixte) 5 %, SII-U (non classé) 25 %.
Outils utilisés :
Journaux alimentaires de 4 jours, analysés par diététiciens.
Indice de qualité alimentaire DQI-SNR (basé sur les recommandations suédoises).
Score de diversité alimentaire (25 groupes alimentaires).
Questionnaires validés : IBS-SSS (sévérité), GSRS-IBS (symptômes digestifs), VSI (anxiété digestive), HADS (anxiété/dépression), PHQ-12 (symptômes somatiques).
Côlon irritable : que mangent les malades ?
Différences de consommation avec les témoins
Qualité nutritionnelle chez les personnes atteintes de côlon irritable
Les patients souffrant de syndrome de l’intestin irritable présentent, en moyenne, une qualité alimentaire légèrement inférieure à celle de la population générale.
Ainsi, moins de patients SII atteignent une bonne qualité alimentaire, et ils sont légèrement plus nombreux à avoir une alimentation de qualité médiocre.
Fibre alimentaire
38 % des femmes atteintes de SII respectent les recommandations en fibres
contre 43 % chez les femmes témoins
Cela suggère une tendance à une consommation fibre moins optimale, possiblement liée à l'évitement d'aliments riches en fibres fermentescibles (ex. légumineuses, blé complet), parfois mal tolérés chez certains patients.
Acides gras saturés (SFA)
42 % des patients SII respectent les recommandations
vs 59 % des témoins
Les personnes atteintes de SII sont donc plus nombreuses à dépasser les seuils recommandés pour les graisses saturées.
Éléments clés à retenir
Les patients SII n'ont pas une alimentation catastrophique, mais leur qualité globale est légèrement inférieure à celle de la population générale.
-
On retrouve :
moins d’adhésion aux recommandations en fibres, notamment chez les femmes
plus de dépassement des graisses saturées
Cela pourrait refléter une adaptation alimentaire intuitive mais imparfaite, souvent motivée par la recherche d'un meilleur confort digestif.
Interprétation clinique
Cette étude met en évidence un point souvent observé en pratique :
Les patients SII modifient spontanément leur alimentation pour réduire leurs symptômes, mais ces ajustements ne mènent pas toujours à une qualité nutritionnelle optimale.
Cela souligne l’intérêt d’un accompagnement nutritionnel structuré, pour trouver un équilibre entre :
tolérance digestive
diversité alimentaire
qualité nutritionnelle
maintien des fibres bénéfiques pour le microbiote
Côlon irritable : comment l’alimentation influence vos symptômes
L’étude montre que certains comportements alimentaires peuvent aggraver les crises de SII et renforcer les sensations digestives désagréables.
-
Manger trop peu / trop peu de glucides
→ Souvent associé à plus de douleurs abdominales, transit irrégulier, fatigue digestive et poussées plus fréquentes.
Les patients qui “mangent léger” pour se protéger finissent parfois par aggraver leurs symptômes. -
Alimentation trop répétitive
→ Liée à plus de douleurs, ballonnements, anxiété liée au repas et hypersensibilité digestive.
Éviter des aliments par peur peut, avec le temps, rendre l’intestin encore plus réactif. -
Régime de faible qualité nutritionnelle
→ Plus souvent observé chez les patients ayant douleurs intenses, inconfort permanent et grande sensibilité viscérale, mais aussi anxiété, ruminations digestives et moral en baisse.
Un intestin irritable va rarement mieux avec une alimentation pauvre et monotone. -
Excès de protéines et produits laitiers
→ Peut contribuer à gaz, douleurs post-repas et lourdeurs abdominales chez certains.
Ce n’est pas systématique, mais c’est une tendance observée chez les patients les plus symptomatiques. -
Trop de légumes et de FODMAPs d’un coup
→ Chez les plus sensibles : ballonnements, crampes, diarrhées ou constipation aggravée.
Ce n’est pas “mauvais”, mais la tolérance est dose-dépendante. -
Graisses saturées et snacks salés
→ Tendance à plus de gonflement, digestion lente, inconfort et tensions abdominales.
L’abus rend l’intestin plus “irritable”.
Colon irritable : quelles stratégies alimentaires ?
1. Régime pauvre en FODMAP
Approche la plus documentée, il réduit les symptômes chez 50–70 % des patients. Mais il doit être encadré pour éviter carences et perte de diversité.
→ Permet la réduction des fermentations et donc des ballonnements / gaz et altération du transit.
2. Régime méditerranéen
Riche en fruits, légumes, huile d’olive, poisson, il améliore :
les symptômes digestifs,
la qualité de vie,
le microbiote intestinal (favorise bifidobactéries et lactobacilles).
→ Permet de rééquilibrer le microbiote intestinal, il est moins efficace que le régime pauvre en FODMAP pour traiter le côlon irritable mais meilleur qu'un régime traditionnel.
3. Approche combinée
Une combinaison de Méditerranéen + FODMAP modéré pourrait offrir une meilleure tolérance tout en maintenant une alimentation variée et positive pour le microbiote.
4. Réductions ciblées
Limiter le café, l’alcool, les plats gras, les boissons gazeuses.
Substituer les produits laitiers par des alternatives sans lactose.
Adapter les portions de fruits/légumes en fonction des seuils FODMAP.
Intestin irritable : que manger et que limiter ?
Aliments à privilégier
Légumes pauvres en FODMAP : courgette (65 g), carottes, aubergine (75g), tomates (65g).
Fruits tolérés : agrumes, kiwi, fruits rouges, banane ferme.
Céréales adaptées : riz, flocons d’avoine certifiés, quinoa, sarrasin.
Protéines maigres : poissons, œufs, volailles.
Huiles végétales : olive, colza, noix.
Yaourts sans lactose, fromages affinés.
Attention aux quantités des aliments.
Aliments à limiter en cas de crise
Produits laitiers riches en lactose (lait, fromages frais).
Fruits riches en FODMAP (pomme, poire, pastèque, pruneaux).
Légumineuses mal préparées (pois chiches, lentilles rouges).
Céréales à base de blé/seigle/orge.
Boissons gazeuses, alcool.
Télécharger le guide des 300 aliments pauvres en FODMAP
Colon irritable et santé mentale : un cercle vicieux
Un résultat marquant de l’étude est la corrélation entre qualité alimentaire, anxiété et dépression :
Les patients avec un régime pauvre en diversité avaient des scores plus élevés d’anxiété digestive (VSI) et de dépression (HADS-D).
Un régime restrictif favorise donc un cercle vicieux : plus de symptômes → plus de restrictions → moins de diversité → plus de troubles psychiques.
Cela renforce l’importance d’un suivi diététique et psychologique.
Conclusion
Le colon irritable est une maladie chronique où l’alimentation joue un rôle majeur.
L’étude 2025 montre que :
Les malades consomment moins de glucides et de produits laitiers classiques, mais plus de graisses et d’aliments sans lactose.
Leur alimentation est souvent moins diversifiée et de moindre qualité que celle de la population générale.
Une mauvaise qualité alimentaire est associée à plus de symptômes, plus d’anxiété et une qualité de vie réduite.
En pratique, le traitement du colon irritable repose sur une alimentation personnalisée, idéalement combinant :
Une réduction des FODMAP,
Une base méditerranéenne riche en fibres,
Des substitutions intelligentes (produits sans lactose, céréales adaptées),
Un suivi nutritionnel pour préserver la diversité.
C’est ce juste équilibre qui permet de réduire les crises de colon irritable tout en maintenant une alimentation variée et bénéfique pour le microbiote intestinal.
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À propos de l'auteur
Je suis Joris Vanlerberghe, naturopathe spécialisé dans les troubles digestifs et Auteur.
J’accompagne les personnes qui souffrent de troubles fonctionnels intestinaux comme le syndrome de l’intestin irritable (colopathie fonctionnelle), SIBO, IMO, dyspepsie ainsi que les personnes qui souffrent de maladies
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